Bonjour Jules, est-ce que tu pourrais te présenter?
Bonjour, je m'appelle Jules Lobgeois, j’ai 25 ans et je travaille le bois et le métal dans mon atelier situé dans un petit village du sud de l'Oise – nommé Cinqueux - entre Chantilly et Compiègne. C’est dans ce village entouré de forêts qu'ont vécu mes ancêtres, c'est ici que je vis et que je trouve les matériaux dont j'ai besoin pour créer.
Quelle est ta pratique et depuis quand y travailles-tu?
Designer de formation, ma pratique tend à se rapprocher de celle d'un sculpteur. À la main, à l'aide de machines manuelles ou d'outils de ma conception je travaille la douceur du bois et je joue de la rigueur du métal pour créer des pièces uniques. J’ai fondé mon atelier début 2018 après un séjour d’un an en Belgique où j’ai assisté l’artiste Kaspar Hamacher.
Comment est-tu arrivé là?
Initialement je voulais devenir designer automobile. En arrivant à Olivier de Serres en 2012 j’ai compris que le design ne se limitait pas à cet univers. À la suite de mon DSAA (Diplôme Supérieur en Art Appliqués) obtenu au LAAB à Rennes en 2017 et de plusieurs stages chez des artisans travaillant le bois et le métal j’ai décidé de me mettre à mon compte et de produire moi même mes objets.
Quels sont les outils / médiums que tu utilises?
Je sculpte le bois massif essentiellement par enlèvement de matière, à la tronçonneuse, à la hache, au ciseau à bois puis à la main. Je sculpte jusqu'à trouver la « forme idéale ». Celle dont l'harmonie touchera ma sensibilité, celle qui, par exemple, me rappellera les détails observés dans le paysage lors d'une de mes marches d'inspiration le long de l'océan (cf : « Étagères vent »). J'assemble l'acier brut en le soudant, très souvent de manière à conserver son aspect originel et les marques du laminage, dans le but d'élever le simple profilé de construction au rang d'objet sculptural (cf : « Cathédrales », « Bibliothèque pluie », « Roi » ). Il m'arrive aussi de le plier, de le polir ou de le sculpter comme on cisèle le bois avec une gouge (cf : « Plateau d'eau », « Duramen »).
Qu'est-ce qui définit ton œuvre ?
À mi-chemin entre objet fonctionnel et sculpture chaque pièce que je crée provient d’une recherche de pureté de la forme. C’est à dire d’objets créés avec le moins de typologies de formes possible. Cette nécessité d'économie de la matière, c'est celle que j'ai rencontré en travaillant à la restauration d'une structure de Jean Prouvé aux côtés d’Alain Banneel. Ce goût pour le travail du matériau massif c'est celui que j'ai pu apprécier avec l'artiste belge Kaspar Hamacher. Cette part de poésie, c'est celle que je rencontre chaque fois que je pars en itinérance.
Travailles-tu sur d'autres projets extérieurs?
J’essaie d'avoir une démarche globale et de mener une vie en accord avec mes principes. La journée je travaille, le soir je vais explorer à pieds ou à vélo les environs, le weekend je travaille dans le jardin et dès que j’ai un moment je pars en itinérance pour plusieurs jours.
Une création pour nous faire rentrer dans ton univers?
Le Vase Cathédrale est la pièce principale d’une collection d’objets en acier qui résultent d’un travail de recherche autour de la cornière métallique. À travers ce projet j’ai voulu utiliser la cornière sous un angle différent. En d’autres termes mon but a été de trouver au profilé métallique une manière élégante d’exister. Ainsi j’ai réfléchi de façon à concevoir la cornière non plus seulement comme un élément de construction ou comme un élément structurel ordinaire, mais comme une forme à part entière. Ce vase résulte de l’assemblage rigoureux et méthodique de 8 cornières soudées entre elle de manière invisible Ce qui m’intéresse dans cet objet c’est la possibilité qu’un matériau déjà manufacturé, puisse par son détournement, être anobli et devienne un objet de décoration, une pièce de collection.
Peux-tu parler de ton processus de création?
Pour moi le processus créatif c’est avant tout quelque chose d’instinctif. C’est la mise en relation naturelle par le créateur de références, d’images et d’expériences qui font émerger des idées. Ensuite il y a plusieurs manières de concrétiser ces idées et de les exploiter. Cela passe par le dessin mais surtout par l’expérimentation de manière empirique. Il m’arrive de produire des objets tels que je les ai imaginés sur le papier mais un objet se dessine très souvent au cours de sa fabrication. Je fais évoluer ses proportions au contact de la matière pour trouver le bon équilibre.
Quelles sont tes sources d'inspiration? Comment arrives-tu à rester créatif?
L’inspiration c’est une culture plastique et formelle que l’on nourrit tous les jours grâce aux formes qui nous entourent, aux images et aux souvenirs que l'on a en soi. Jean Prouvé et plus généralement les architectes du 20 ème siècle me fascinent pour leur audace, parfois brutale. Même si je me suis écarté du design automobile le dessin des voitures des années 90 m’inspire encore. Le design contemporain, teinte inévitablement mes création : mon passage dans l’atelier de Kaspar Hamacher m’a profondément marqué dans la manière d’appréhender la matière. Les marches d’inspiration en milieu naturel que je réalise tout au long de l’année alimentent elles aussi mon imagination et mon vocabulaire visuel.
Quels sont tes futurs projets?
En ce moment je travaille sur un projet que j’ai appelé « Duramen ». C’est une série d’objets qui rend hommage à un noyer tombé dans le bois derrière mon atelier. En retirant l’écorce et le bois tendre, je mets à nu le duramen - partie interne du bois qui correspond aux zones d'accroissement les plus anciennement formées par l'arbre - pour extraire ce qu’on pourrait appeler « l’âme visuelle de l’arbre ». Une fois cette forme extraite je la « protège » à l’aide d’une plaque en acier et de cire d’abeille locale. Par ailleurs je suis en train de réaliser l’aménagement intérieur d’une chambre d’hôte. Un espace dans lequel il faut créer, dressing, lits, banquettes, assises … C'est un projet très complet, qui m'amène à envisager la conception d’une future « unité d’habitation ».
Selon toi quel rôle est celui d'un artiste (designer ou artisan) dans le monde d’aujourd’hui?
L’artisanat est pour moi un mode de production qui permet de créer, à la main, des objets durables et innovants en s’affranchissant des contraintes de la production industrielle. Il a pour ambition d’offrir aux gens la possibilité de s’entourer d’objets leur apportant du confort.
Un compte Instagram qui t’inspire?
J’ai une certaine appétence pour la photo argentique et la vidéo, a fortiori pour les scènes crépusculaire. En voici deux qui comptent beaucoup pour moi : @eugenietze » et @billhensonphoto
25/05/2020
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